DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR L’EMPLOI, LA FORMATION ET L’APPRENTISSAGE :
« Adapter notre appareil de formation aux besoins de l’économie », tel est le titre de la communication du Conseil des Ministres du 30 avril 2025 (téléchargeable ici). Et même si on n’en est pas encore à sa « mise en musique », reconnaissons qu’on a affaire, cette fois, à un Plan d’action de plus grande envergure que d’ordinaire, « pour renforcer la qualité des formations et lutter contre la fraude ».
Ces objectifs, qu’ils soient officiels (fiabiliser le système, recentrer la dépense publique sur des formations « utiles », faire la chasse aux fraudeurs …) ou non (réaliser 100 millions d’économie en 2026 !) ne sont pas une surprise ; mais on commençait à ne plus trop croire à une action systématique – à défaut d’être systémique – tant la Loi de 2018 semble déjà loin.
On ne peut que se satisfaire du point de départ de la réflexion gouvernementale, à savoir affirmer que « le renforcement de notre économie passe par des filières scientifiques plus solides, plus attractives, et plus inclusives. Nous devons former davantage de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques, et mieux attirer les jeunes filles vers ces métiers ». Pour nous aussi, c’est « un chantier essentiel ».
Il était important de ne pas se contenter de reconnaître les acquis de la Réforme de 2018 (notamment sur la revalorisation de l’Apprentissage et l’ouverture du CPF) ou l’action de Carole GRANJEAN (avec la Réforme du Lycée professionnel initiée en 2023) reposant la question du « lien entre école et marché du travail ». S’attaquer à ce qui freine ou dévoie ces efforts est plus que nécessaire, en effet.
Pour notre Association – qui s’est plusieurs fois saisi de ces questions – il était important de cibler les contributions à apporter à la lutte contre le poids trop important du chômage de longue durée, « particulièrement en fin de carrière » (au moment où va se déployer, par ailleurs, un plan en faveur des séniors), et contre l’insuffisance des reconversions professionnelles.
Mais l’enjeu n’est pas moindre de « rapprocher l’offre de formation initiale et continue des besoins en compétences » et de faire évoluer l’offre et améliorer l’orientation des jeunes mais aussi des publics adultes.
On se permettra de souligner aussi ces points clefs que sont la répartition territoriale des efforts des acteurs de l’emploi et du développement des compétences et surtout leur coordination sur les territoires !
Relevons ici quelques points clefs (que la lecture de la communication entière éclairera et complétera) :
1. Renforcer l’adaptation des formations aux besoins du marché du travail et leur qualité, ce qui passe entre autres par « l’adaptation du contenu des diplômes aux besoins », mais aussi par la « remise à plat» de la Certification Qualiopi qui, aux yeux du gouvernement « n’assure pas la fonction qui lui était conférée de garantir un standard de qualité pour les formations en apprentissage et pour les publics adultes ». Ce qui passera par un renforcement des Services Régionaux de Contrôle (SRC) et de leur action contre la fraude.
2. Mieux flécher les financements de l’apprentissage sur les besoins en compétences et les métiers en tension, la réforme du financement des centres de formation des apprentis (CFA) devra prioriser une logique de « financements en fonction des besoins en compétences » plutôt que les « considérations économiques de certains acteurs de la formation ».
3. Déployer la réforme du lycée professionnel. Car si l’on considère que dans les quinze métiers qui recruteront le plus d’ici à 2030, dix correspondent à des métiers de la voie professionnelle, « la transformation des lycées professionnels est impérative, pour que la voie professionnelle redevienne un véritable tremplin vers la réussite, et pour que notre économie dispose des compétences dont elle a besoin».
4. Territorialiser l’offre de formation dans l’enseignement supérieur, qui s’est fortement développée « sans faire l’objet d’une évaluation de leur qualité » ni des « leviers de régulation» suffisants, notamment au plan territorial. D’où l’idée de « renforcer la gouvernance partenariale territoriale, en associant pleinement les acteurs locaux, aux décisions stratégiques concernant l’offre de formation des universités ».
5. Adapter les dispositifs à destination des adultes pour une meilleure adéquation aux besoins du marché du travail, pour lesquels sont retenus les points suivants :
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- les droits acquis à la formation avec la mobilisation du CPF ;
- la validation des acquis de l’expérience qui est indispensable pour faciliter les reconversions et réduire les tensions de recrutement ;
- l’accès ou le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi étrangers, notamment en renforçant le lien entre la formation linguistique et la formation au métier ;
- les dispositifs de reconversion professionnelle.
Enfin, la communication promet des engagements budgétaires à l‘été et souligne que « le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) pour les demandeurs d’emploi doit être mieux orienté vers les besoins collectifs et les secteurs qui recrutent. »
L’EUROPE LANCE UNE « UNION DES COMPETENCES » :
Après avoir organisé une « année européenne des compétences » (du 9 mai 2023 au 8 mai 2024) (dont nous avons parlé sur ce BLOG), l’Union européenne lance une nouvelle initiative, celle d’une « Union des compétences » visant à « soutenir le capital humain et renforcer la compétitivité de l’U.E. », avec pour cela des objectifs d’ici à 2030 ; ces objectifs sont fournis avec des indicateurs de résultats. Voir cette communication (téléchargeable). Mais le texte offre aussi une vision globale des enjeux de l’éducation et de la formation constituant une référence pour l’élaboration de plans de politiques publiques concrets par tous les États membres. A voir si et comment ils s’en empareront ! A SUIVRE …
LES OBSERVATIONS DU « CONSEIL NATIONAL DE LA PRODUCTIVITE (CNP) » :
Suite à une communication de l’Union Européenne de 2016, la France a institué, en 2018, au sein de FRANCE STRATEGIE un « Conseil National de la Productivité » (CNP), composé d’experts indépendants. Il contribue au dialogue au niveau national sur ces sujets. Son Rapport annuel (celui joint – téléchargeable ici – est le 5ème) est soumis à la consultation des organisations syndicales de salariés et d’employeurs
Le CNP élabore un rapport annuel et organise une consultation des organisations syndicales de salariés et d’employeurs (dont l’avis est annexé) ainsi qu’une consultation de la société civile, avant son adoption définitive.
Que va-t-on trouver en lisant cette livraison 2025 ?
Le Chapitre 1 se penche en détail sur l’évolution de la productivité du
travail en France depuis 2019 par rapport à ses principaux partenaires commerciaux et par rapport à sa tendance pré-Covid (2010-2019).
Le Chapitre 2, quant à lui, analyse en profondeur l’évolution de la compétitivité de la France depuis 2019 et discute de la sensibilité de ses parts de marché à l’exportation, en comparaison avec la moyenne européenne.
Enfin, le Chapitre 3 revient sur les développements récents en France en matière d’adoption des technologies numériques (incluant l’IA et la robotique), en les comparant à ceux des autres pays européens et des États-Unis, et illustre les gains de productivité de ces technologies pour un large échantillon d’entreprises.
D’après le Rapport, trois grands enseignements peuvent être tirés de ces analyses :
« D’une part, même si la faiblesse de la productivité du travail par tête depuis 2019 reflète avant tout un marché du travail dynamique et une croissance économique plus riche en emploi (ce qui est positif pour le pouvoir d’achat des travailleurs), ces créations d’emploi ne pourront être consolidées qu’à la faveur d’une croissance économique de long terme plus forte. »
« D’autre part, la relative amélioration de la compétitivité de la France dans le secteur manufacturier pourrait s’expliquer en partie par la baisse des coûts salariaux, essentiellement par rapport à l’Allemagne. Pourtant, la compétitivité de la France, pénalisée par la baisse de la productivité, reste fragile à bien des égards. »
« Cela pose donc la question des choix stratégiques en matière de politique économique dans le futur : soit la France fait le choix d’investir substantiellement dans des technologies innovantes afin de dégager de nouvelles marges de gains de productivité (avec un risque de ralentissement de la croissance de l’emploi), soit, à tendances technologiques constantes par rapport à la situation actuelle, elle devra faire le choix de continuer à contenir les coûts salariaux dans les secteurs à plus faible valeur ajoutée qui sont très sensibles à la compétitivité prix. ».
A voir, là aussi, ce que le gouvernement actuel et ceux qui lui succéderont, tireront de ces travaux !